Joueuse de l’Olympique Lyonnais depuis 2006, pilier de l’Équipe de France depuis 2011, Wendie Renard est sans conteste l’une des plus grandes footballeuses françaises. Retour sur un parcours de vie et une carrière extraordinaires.
Entretien exclusif par Vanessa Maurel – Extrait du magazine WOMEN SPORTS N°18 d’octobre-novembre-décembre 2020.
« Je me prenais pour un p’tit mec. » Aussi loin que remontent ses souvenirs, Wendie Renard a toujours joué au football. Un ballon, une bouteille, tout lui servait à dribbler. À la sortie de l’école, la jeune Martiniquaise rejoignait ses camarades sur un parking pour des parties endiablées. « J’adorais jouer avec mes amis, la plupart masculins. Il n’y avait pas de questions filles/garçons. À cet âge-là, rien ne nous différenciait, j’étais comme eux. »
À l’adolescence, Wendie doit se rendre à l’évidence. Pour évoluer, elle doit s’adapter au style féminin « moins dur » selon ses dires. « Mais si j’avais pu continuer d’évoluer avec les garçons, je l’aurais fait ! » À 15 ans passés, elle est repérée et appelée à faire des tests à Clairefontaine, à 6 heures d’avion de chez elle.
« Ça a été un énorme chamboulement. Depuis toute petite, la Métropole me paraissait tellement loin, limite supérieure à nous. Dans ma tête les choses étaient claires : si un jour je quittais mon île pour vivre en France, c’était pour atteindre mes objectifs. » Elle ne sera pas déçue. Sur le sol français, tout s’enchaîne très vite. Elle intègre d’abord l’Olympique Lyonnais puis rejoint l’Équipe nationale dans la foulée. Loin de « sa Martinique et son soleil », la footballeuse apprend à se construire en tant que sportive mais aussi en tant que femme. « Ce n’est pas tous les jours facile d’être loin de ses proches. Mais je n’ai absolument pas le droit de me plaindre. C’est moi qui ai pris la décision de quitter l’île, personne d’autre. »

« JE SUIS FIÈRE DE MA COULEUR DE PEAU. »
Depuis son arrivée, Wendie Renard cartonne. Sous les couleurs de l’Olympique Lyonnais, elle a notamment remporté 7 Ligues des champions (dont 5 d’affilée) et 9 Coupes de France. Un bilan hors normes qui la place au rang des meilleures joueuses au monde. Avec l’Équipe nationale aussi la Martiniquaise fait des prouesses mais son parcours est davantage tumultueux. Lorsque Corinne Diacre arrive à la tête de la sélection en 2017, la joueuse se voit retirer son brassard de capitaine, après plus de 4 ans de capitanat. Ce coup dur, suivi de nombreuses blessures, la font douter. «Je me suis demandée si j’avais encore ma place en sélection » confie-t-elle. Pour autant, Wendie Renard a continué de se battre pour faire partie de l’équipe. « Je me suis raccrochée à ce maillot Bleu qui est très important pour moi et que j’ai toujours respecté. Je suis très fière de le porter. Je n’ai pas fait 6000 kilo- mètres depuis la Martinique pour tout lâcher. » C’est avec cette force de caractère qu’elle remonte la pente. Forte de ses valeurs et de ses convictions, la footballeuse met cartes sur table avec la nouvelle coach, tout en se remettant constamment en questions. Les deux femmes trouvent un point d’entente et la numéro 3 nationale reprend confiance en elle.
« SI J’AVAIS PU CONTINUER DE JOUER AVEC LES GARÇONS… JE L’AURAIS FAIT ! »
« Il ne faut pas prendre ces attaques à la légère »

Coupe du monde 2019, en France. Les Bleues jouent la Norvège après un énorme succès contre la Corée du Sud en ouverture. Contre les Scandinaves, Wendie Renard vit ce qu’il y a de pire. La joueuse de l’Olympique Lyonnais rate son dégagement et marque contre son camp. Un malheureux dénouement qui la fait passer de l’une des piliers de l’équipe à la cible de toutes les critiques. Sur les réseaux sociaux, la jeune femme est victime de nombreuses attaques, notamment racistes. « De la pure méchanceté » déplore-t-elle. Sans surprise, la Française soutient les différents mouvements récemment apparus sur le net, notamment après la mort de George Floyd aux États-Unis. Sur Instagram, Wendie Renard a pris position en affichant souvent sa solidarité au mouvement « Black Lives Matter ».
Lors de la dernière finale de Ligue des Champions, elle s’est également agenouillée, poing tendu vers le ciel, pour défendre la cause noire. « C’est un combat important », rappelle-t-elle. « Je suis fière de ma couleur de peau. Je n’ai pas demandé à être noire. Mais il ne faut pas prendre ces attaques à la légère. » Wendie fait notamment référence à cette scène de 2014 qui a frappé le monde du football et du sport en général, lorsque Dani Alvès a reçu une banane lancée par un spectateur sur le terrain. « Tout le monde a dit que le geste d’Alvès (manger la banane devant la tribune NDLR) était magnifique. C’est vrai, mais il faut réagir autrement et regarder plus loin. Pourquoi y avait-il cette banane sur la pelouse ? Ce n’est tout simplement pas normal ! » C’est pour ces raisons qu’il lui semble important d’utiliser sa notoriété à bon escient.
Au nom du père
«Il faut dire que l’on n’est pas content mais en utilisant les bonnes manières. Le risque est qu’on se monte les uns contre les autres. Imaginons que je me braque contre les blancs après avoir reçu des critiques racistes ou des cris de singes, c’est moi qui vais être raciste et faire des généralités. Il faut surtout éviter ça et faire en sorte que l’on avance tous ensemble. » Les pieds sur terre, elle sait malheureusement que tous les mouvements sur internet ne suffiront pas à changer les choses. « Soutenir ces élans de solidarité à notre échelle fait certainement évoluer un peu les mentalités. Mais il faut que des décisions soient prises au plus haut niveau. »
« JE N’AI PAS FAIT 6000 KILOMÈTRES POUR RIEN ! »
Derrière son tempérament de guerrière se cache néanmoins un drame. Wendie Renard a perdu son père alors qu’elle était âgée de seulement 8 ans. Aujourd’hui, la footballeuse utilise cette épreuve pour en faire une force. « C’est comme si j’avais une mission. Ce nom derrière mon maillot est le sien. Je me bats pour ramener des titres afin qu’il soit fier de moi de là où il est. » La famille est en effet ce qui lui importe le plus. « C’est ce que j’ai de plus cher. Ils sont toujours là, me disent ce qui est bien ou ne l’est pas. » Réussir est pour elle la façon de combler le manque de ses proches : « Je suis loin de chez moi, je rate forcément beaucoup de moments à leurs côtés C’est aussi pour ça que je travaille dur. Chaque titre est une récompense ».

Toute cette carrière, Wendie Renard la raconte dans son livre intitulé « Mon étoile » (Edition Talent Sport). Entre rires et larmes, les lecteurs découvrent la joueuse d’une toute autre manière à travers ses mots et les témoignages qui com- posent les 500 pages de cet ouvrage. « Je n’aime pas parler de moi alors j’ai longtemps été réticente à l’idée d’écrire un livre », explique-t-elle. « Mais il m’est paru important de le faire afin d’inspirer des jeunes qui pourraient se reconnaître dans mon vécu. »
« Le portrait chinois » de Wendie Renard

– Si tu étais un animal ce serait…
Un dauphin. C’est doux, mignon, très intelligent et sa vie dans l’eau, j’adore.
– Si tu étais un plat…
Les langoustes mon pêché mignon ou le fruit à pain, typique des Antilles.
– Si tu étais une citation…
« Qui veut son respect s’en procure »
– Si tu étais une couleur Je dirais le bleu blanc rouge,
les couleurs de mon pays, mais j’aime particulièrement le blanc.
– Si tu étais un chiffre…
Le 3 bien évidemment ! C’est le numéro que je porte sur mon maillot. Il n’y a aucune signification particulière, je le porte depuis que je joue avec les garçons.
– Si tu étais un métier…
Hôtesse de l’air !
– Si tu étais un vêtement…
Je serais un survêtement ! On est tellement à l’aise dedans.
– Si tu étais une île…
La Martinique, sans aucune hésitation.
– Si tu étais un personnage de film
Olivia Pope de la série «Scandal». Elle a de la prestance. La classe à l’état pur !
– Si tu étais un livre…
Sans grand suspense je vais choisir le mien, «Mon Étoile». C’est moi, mon histoire, ma vie.
QUESTIONS INSOLITES

WS – SI TU DEVAIS RÉSUMER TA VIE EN UN SEUL HASHTAG CE SERAIT…
WENDIE RENARD :
#Bonheur
TON PLUS BEAU SOUVENIR EN ÉQUIPE DE FRANCE ?
Je citerais tout d’abord les magnifiques rencontres que j’ai pu faire que ce soit au niveau des joueuses ou du staff. En ce qui concerne le côté sportif, je dirais spécialement la Coupe du monde 2011. Même s’il faut le dire, je n’étais pas forte sur le terrain voire même nulle, cette compétition m’a beaucoup apporté et fait grandir.
TON PLUS BEAU SOUVENIR AVEC L’OLYMPIQUE LYONNAIS ?
Il y en a des tonnes ! Mais je pense plus particulièrement à la première Ligue des champions que nous avons remportée (2-0 face au FFC Turbine Potsdam, adversaire contre qui l’OL avait perdu en finale l’année précédente, ndlr). Je repense encore à la photo de groupe qu’on a faite avant le coup d’envoi. Nous étions tellement concentrées, personne ne souriait. On dirait que nous partions à la guerre ! L’explosion de joie lorsque nous avons gagné reste l’un de mes plus beaux souvenirs.
SI TU AVAIS UNE BAGUETTE MAGIQUE ET UN VOEU À FORMULER, QUEL SERAIT-IL ?
Rendre tout le monde heu- reux et faire en sorte qu’il n’y ait plus de seuil de pauvreté
QUELS SONT TES MODÈLES ?
Ma mère car j’ai vu tous les combats qu’elle a menés et qu’elle mène encore au- jourd’hui.
QUEL EST TON RÊVE ?
Remporter une Coupe du monde ! Mais remporter un titre supplémentaire (quel qu’il soit) fait également partie de mes objectifs.
QUEL EST TON JOUEUR PRÉFÉRÉ ?
Cristiano Ronaldo. Lorsque je réponds ça on me dit souvent que je n’aime pas Messi. C’est faux ! Tous les fans de football apprécient Messi mais mon joueur préféré reste CR7.
POURQUOI AVOIR CHOISI LE FOOTBALL PLUTÔT QUE LE HANDBALL (UNE AUTRE DE TES PASSIONS) ?
J’ai toujours joué au football avec les garçons et pas mal de monde me disait que je jouais bien. Même si toute ma famille est passionnée par le handball et que les fois où j’y ai joué j’ai vraiment adoré, mon choix s’est naturellement tourné vers le foot.
QUEL EST TON FILM INCONTOURNABLE ?
C’est un film que je connais par coeur : «Bodyguard». Je l’ai vu des centaines de fois mais je pourrais encore le regarder s’il passait à nouveau à la TV. D’une part l’histoire est magnifique, d’autre part il faut bien avouer qu’on aime- rait toutes avoir un garde du corps comme lui…
QUEL EST TON STADE PRÉFÉRÉ (SANS COMPTER LE GROUPAMA STADIUM) ?
Le Stade Santiago-Bernabéu est mon favori mais j’aime bien également Wembley. On a eu la chance d’y jouer contre le Japon pour les Jeux Olympiques et il est vraiment magnifique.
QUELLE EST TON ÉQUIPE DE FOOTBALL PRÉFÉRÉE ? (HORS OL)
Le Real Madrid.
TON ENDROIT PRÉFÉRÉ SUR TERRE ?
J’aime beaucoup Lourdes ou le Prêcheur (commune en Martinique où Wendie a grandi, ndlr). Dès que je pose un pied sur le sol martiniquais et que je ressens cette bouffée de chaleur… Je me sens vivre, je me sens chez moi !
TA MUSIQUE IDÉALE POUR FAIRE DU SPORT ?
Toutes les musiques qui bougent sont parfaites pour le sport mais en ce moment j’écoute particulièrement «Chonch Shell » (Skinny Fabulous x Machel Montano x Iwer George)
QUEL EST L’ADJECTIF QUI POURRAIT TE CORRESPONDRE
AU MIEUX DANS LE VESTIAIRE ?
Là aussi il y en a plusieurs. Je ne sais pas, je rigole beau- coup, j’adore chambrer mes coéquipières. Je suis maniaque également, j’aimerais que le vestiaire soit toujours bien rangé même si ce n’est pas forcément le cas.
QUELLE EST TA COÉQUIPIÈRE LA PLUS GROGNON ?
C’est une question difficile, il y en a tellement ! En fait, on l’est toutes un peu, on peut râler pour un rien. À l’entraînement, en match, lorsqu’une règle n’est pas claire, on peut toute crier un peu (et c’est encore pire quand on perd) !