La pétillante Belge a marqué l’histoire du tennis. Vainqueure de sept Grands Chelems, Justine Henin a poursuivi sa carrière dans l’univers de la « balle jaune ». Elle a fondé sa propre académie et est aujourd’hui consultante sur les antennes d’Eurosport. Justine Henin nous explique son histoire d’amour avec le tennis et la manière dont elle a réalisé son rêve d’enfant : devenir numéro 1 mondiale et gagner Roland-Garros. PROPOS RECUEILLIS PAR LES ÉQUIPES D’EUROSPORT / RETRANSCRIPTION JIMMY ABOU AKL. Extrait du Women Sports N°24.
EXPLIQUE-NOUS TON HISTOIRE AVEC LE TENNIS. EST-CE TON RÊVE DEPUIS TOUTE PETITE OU EST-CE ARRIVÉ PAR HASARD ?
C’est venu très tôt. Je disais déjà à l’âge de 5/6 ans que je voulais être numéro 1 mondiale et remporter Roland-Garros. C’est aussi venu de la famille. J’ai grandi avec deux grands frères joueurs de foot et de tennis, et un père aussi très sportif. Mais j’ai été convaincue lorsque j’ai vu Steffi Graf à Roland-Garros à la télévision. Après ses matches, j’allais dans ma chambre et je faisais comme elle : je jouais la finale de Roland, je me jetais au sol, levais les bras au ciel, soulevais le trophée, répondais aux questions des journalistes… Le rêve a commencé à se nourrir comme ça.
À QUEL MOMENT ON PASSE DU RÊVE DE GAMINE À Y CROIRE VRAIMENT ET À SE DIRE QUE C’EST CONCRET ?
Dans mon cas, j’y croyais vraiment très tôt, et c’est ce qui fait la beauté de la chose. Mon projet a pris une autre dimension à partir de 14 ans. Après le décès de ma mère, j’ai eu une année et demie de flottement, puis il était temps de prendre des décisions donc j’ai intégré Tennis-études et combiné le sport et l’école pendant deux ans. Par la suite, je me suis entièrement consacrée à ma vie de joueuse professionnelle. Ce rêve vibrait en moi, et pour en faire un objectif réalisable il est nécessaire de rencontrer des personnes qui croient en toi. Peu de personnes croyaient en moi au début. Et puis un jour, j’ai rencontré Carlos Rodriguez qui deviendra mon coach pour les 15 années sui- vantes. Il m’a immédiatement dit ‘‘Si ton objectif est de devenir numéro et remporter des Grands Chelems, et si tu es prête à travailler dans ce sens, tu vas y arriver’’. Cette rencontre a été déterminante.
TU AS PARLÉ DE TON ADMIRATION POUR STEFFI GRAF. AS-TU EU D’AUTRES SOURCES D’INSPIRATION ?
Il y a eu Steffi Graf oui, et aussi Stefan Edberg. Je me reconnaissais à travers leur attitude sur le court. C’était surtout lié à leur personnalité, car j’étais une pe- tite fille assez timide et eux avaient aussi des caractères réservés. Et puis tennis- tiquement, avec ce revers à une main, ce slice, cette créativité que j’admirais énormément. Quand j’ai rencontré Steffi pour la première fois, j’étais déjà numé- ro 1 mondiale… mais j’étais tremblante. C’est très important d’avoir ces sources d’inspiration pour nous transporter, nous faire rêver et nous identifier.
QU’EST-CE-QUE ÇA TE FAIT D’ÊTRE À TON TOUR UNE SOURCE D’INSPIRATION POUR DES JOUEUSES ?
C’est très touchant. J’ai connu ça avec Simona Halep qui m’a partagé que je l’avais beaucoup inspirée. Et plus récemment avec Barbora Krejcikova que j’avais eu l’occasion d’interviewer avant sa finale à Roland-Garros 2021. Elle était extrêmement émue de me rencontrer et c’était un moment assez suspendu, assez magique. C’est touchant de se dire qu’on peut avoir un petit impact, une petite influence.
TU AS TON ACADÉMIE DE TENNIS. QUEL MESSAGE DONNES-TU À CES JEUNES ET À LEURS PARENTS ?
Ce qui est important est de ne jamais laisser personne prendre ses rêves. Car il y aura forcément des personnes qui, de manière inconsciente ou non, vous enlèveront vos rêves en ne croyant pas vraiment en vous. Il faut nourrir ces jeunes de confiance. Et même si ça n’aboutit pas, ces apprentis- sages seront utiles d’une manière ou d’une autre pour avancer dans la vie. Je leur dis aussi de garder la tête sur les épaules. Atteindre un rêve ne nous rend pas supérieur mais meilleur. Il faut vraiment garder cette humilité. La clé est de savoir si l’enfant est lui-même le moteur du projet, avec des parents qui ont les moyens de suivre, notamment financièrement. Si la motivation vient du jeune, c’est lui qui devient responsable du projet.
TU AS ACCOMPLI CE RÊVE, EN ÉTANT NUMÉRO UN MONDIAL ET EN REMPORTANT DES TITRES DU GRAND CHELEM. QUELLE EST TA PLUS GRANDE FIERTÉ ?
Être restée authentique et fidèle à ce que j’avais imaginé. Je sais d’où je viens. C’est dans mon tempérament, je suis quelqu’un de fidèle qui travaille longtemps avec les gens. Et puis le partage, l’émotion. J’ai été chanceuse de pratiquer un métier d’émotions. Quand des personnes me disent qu’elles ont vibré avec moi, à travers mon parcours, je me dis que c’est une chance d’être « entrée » dans la vie des gens. Évidemment il y a les titres. Mais le chemin, et avec qui je l’ai traversé, est ce que je retiens aujourd’hui.
QUEL EST TON MEILLEUR SOUVENIR ? ROLAND-GARROS EST PARTICULIER POUR TOI, EST-CE QUE C’EST QUAND TU L’AS REMPORTÉ POUR LA PREMIÈRE FOIS ?
Bien sûr que le premier Roland est le rêve absolu de petite fille qui devient réa- lité. Mais mes meilleurs souvenirs datent de mon plus jeune âge. Je me rappelle lorsque j’avais 14 ans et que j’étais en Croatie avec mon coach. On se rendait à un tournoi de « galère », il n’y avait pas de transports pour les joueuses, il fallait marcher des kilomètres, je me souviens même avoir joué sous la neige ! Ce sont des souvenirs extrêmement forts. C’étaient les débuts, la débrouille avant d’être professionnelle, quand le rêve vibrait vraiment.
Justine Henin en bref
Née le 1er juin 1982 à Liège (Belgique), Justine Henin a remporté sept titres du Grand Chelem : 4 Roland-Garros,
1 Open d’Australie et 2 US Open. À 21 ans, la Liégeoise a atteint le sommet du classement WTA, une première place qu’elle a conservée pendant 117 semaines au total. En 2008, alors qu’elle est numéro un mondiale, elle annonce son retrait du circuit à l’âge de 25 ans. Cependant, elle effectue son retour en 2010 lors du tournoi de Brisbane. Six mois plus tard, la Belge revient au 13e rang mondial. Toutefois, en janvier 2011, elle annonce sa retraite définitive en raison d’une grave blessure au coude. Elle dirige aujourd’hui la Justine Henin Academy et est consultante TV sur Eurosport.
La série « Inspirantes » est réalisée en partenariat avec Eurosport. Retrouvez les interviews vidéo sur Eurosport.fr