Animatrice télé et créatrice de contenu suivie par des millions d’abonnés, Justine, alias Juju Fitcats, revient sans détour sur son combat contre les troubles du comportement alimentaire (TCA). Marquée par plusieurs années d’anorexie, elle raconte comment elle a trouvé la force de se reconstruire, notamment grâce au sport, et partage aujourd’hui son témoignage pour aider celles et ceux qui traversent la même épreuve. PAR VANESSA MAUREL. Extrait du WOMEN SPORTS N°38.
Quand elle repense à son enfance, Justine parle immédiatement de sport. « J’ai commencé l’équitation à 5-6 ans, et j’en ai fait jusqu’à mes 18 ans. » C’est son premier grand amour, mais certainement pas le seul : « J’ai tout essayé : la danse, le tennis, le taekwondo, le ski… J’étais une vraie touche-à-tout, j’adorais ça. » Parmi toutes ces disciplines, l’équitation garde une place à part dans son cœur. Elle en parle avec une tendresse particulière. « Mes plus beaux souvenirs, ce sont les championnats de France. On partait avec nos chevaux, nos copains, on dormait dans des tentes à côté du manège. C’était génial. »
Ce cadre heureux aurait pu suffire à construire une adolescence légère, mais l’histoire de Justine prend un tournant plus sombre à l’âge où la plupart des jeunes filles découvrent leur corps. Derrière les compétitions et les entraînements, une douleur intime s’installe.
La descente dans l’anorexie
C’est à 17 ans que tout bascule. « Je suis tombée dans l’anorexie mentale. Au début, j’avais l’impression de maîtriser, comme si je pouvais décider. Je voulais punir ma maman pour les mots qu’elle pouvait avoir sur mon corps. » Sa voix se fait plus grave quand elle évoque cette relation qui a été, à une époque, complexe. « Ma maman a grandi avec ce culte de la minceur. Elle a connu l’époque des magazines où l’on ne montrait que des femmes maigres, sans aucune diversité. Elle projetait ses propres angoisses sur moi. Chez nous, les bonbons, ce n’était pas pour moi parce que j’étais une fille. Une fille ne se ressert pas deux fois. Un garçon, oui. »
Ce climat finit par fragiliser l’adolescente qu’elle est alors. Ce qui commence comme une révolte devient vite un piège. « Je me retrouvais à manger trois feuilles de salade, un yaourt et une pomme dans la journée. Et je courais des kilomètres pour compenser. »
Le souvenir qui reste le plus fort n’est pas seulement la faim, mais la solitude. « Les TCA, c’est une maladie sournoise, silencieuse. Personne ne voit ce qui se passe dans ta tête. Tu es seule avec ta souffrance, et elle occupe tout l’espace. Je pensais au moindre aliment, à chaque bouchée. Tout devenait obsessionnel. »
Partir pour se sauver
Cette spirale dure deux ans, jusqu’à ce qu’un déclic s’impose : partir. « Ma psy m’avait dit : il faut que vous vous détachiez de la relation avec votre maman. Alors je suis partie vivre au Canada. »
Ce départ est vécu comme une libération. Loin du climat familial, Justine respire enfin. « C’était un nouveau départ. Je découvrais un pays, des gens qui ne savaient rien de mon passé. Et surtout, j’ai découvert la musculation. » Dans ce nouvel environnement, elle trouve une énergie différente. « Là-bas, les salles étaient pleines de bienveillance. Tout le monde donnait des conseils, m’encourageait. Ça m’a permis de m’entraîner pour de meilleures raisons. Pour progresser, pour me sentir forte, et pas pour me punir. »
Le sport, qui jusque-là avait été un refuge mais aussi un outil de contrôle, devient un appui solide pour sa reconstruction.
Réapprendre à manger, réapprendre à vivre
Mais la guérison ne se limite pas au sport. Elle passe aussi par un long travail sur l’alimentation. « Au début, j’ai dû suivre des plans très stricts pour réintroduire les aliments. Je m’autorisais des cheat meals une fois par semaine. Aujourd’hui je ne prône plus du tout cette méthode, mais à l’époque, ça m’a aidée à réapprendre. »
Peu à peu, Justine se détache de cette rigidité. « Avec le temps, j’ai appris à écouter mes envies. Aujourd’hui, 80 % de mon alimentation est équilibrée, et les 20 % restants, ce sont mes plaisirs. Et je les assume complètement. »
La libération se mesure aussi dans de petits moments du quotidien. « J’ai cru plusieurs fois être guérie. Mais c’est seulement à 27 ans, lors d’un repas entre amis, que j’ai réalisé que je ne pensais plus à ce que je mangeais. J’étais juste dans l’instant, à profiter. Là, je me suis dit : ça y est, je suis sortie du tunnel.
Le rôle décisif du crossfit
Parmi toutes les disciplines qu’elle pratique, le crossfit prend une place particulière dans sa reconstruction. « C’est un sport où l’on se compare moins physiquement. On se concentre sur la performance, pas sur l’apparence. Je ne me demandais plus si j’avais un ventre plat, mais si je pouvais soulever plus lourd ou courir plus vite. Ça change tout. » Ce basculement de perspective est décisif, il ne s’agit plus de lutter contre son corps, mais de collaborer avec lui.
Une voix engagée
Aujourd’hui, Justine est devenue Youtubeuse à succès, puis animatrice sur M6. Mais derrière les caméras et les vidéos, elle n’oublie pas d’où elle vient. « J’ai cette double casquette : prôner le sport comme essentiel à la santé, mais aussi rappeler qu’il ne faut pas tomber dans l’obsession. Le poids d’équilibre existe pour chacun, et il ne correspond pas forcément aux standards qu’on voit sur les réseaux. »
Elle s’efforce de transmettre un message équilibré, loin des diktats et des régimes extrêmes. « Je le répète souvent : il faut trouver le sport qu’on aime. Pas forcément la muscu ou le crossfit. Ça peut être la marche, la danse, le yoga. L’important, c’est de bouger, mais surtout de se faire plaisir. » Consciente de l’influence qu’elle peut avoir sur les jeunes qui la suivent, elle insiste aussi sur la nécessité de chercher de l’aide. « Si on se rend compte qu’on a un souci alimentaire, il faut en parler à un proche et consulter. On a les clés en nous, mais elles ont besoin d’être débloquées. Et parfois, on ne peut pas y arriver seul. »
Un combat devenu une force
Aujourd’hui installée au Pays basque, Justine mène une vie plus sereine, entre ses projets professionnels, ses entraînements et ses moments de partage avec ses proches. Elle regarde son parcours avec lucidité. « Ce combat m’a forgée. Je ne le souhaite à personne, mais il fait partie de moi. Et si mon histoire peut aider ne serait-ce qu’une seule personne à s’en sortir, alors ça valait le coup de la partager.»
L’actu de Juju
Justine continue d’une main de maître à jongler entre toutes ses passions. Youtube d’abord, où elle reste active, mais aussi l’animation sur M6 : à 30 ans, la jeune femme présente le programme Living Santé sur M6+, mais elle est aussi animatrice de La France a un incroyable talent ça continue sur M6, ainsi que les traitres, révélations sur la suite… En deuxième partie de soirée sur la même chaîne, ou encore co-animatrice avec Eric Antoine de 99 à battre.
En plus de ça, Justine a ajouté une nouvelle corde à son arc en intégrant en tant que comédienne la série « Nouveau jour », sur M6. Une vie bien rythmée !
