Les JO de Tokyo approchent enfin et ils s’accompagnent, comme chaque année olympique, de rêves et d’espoirs. Mélina Robert-Michon, spécialiste du lancer de disque, disputera ses 6e olympiades. À 42 ans, elle aura un seul objectif : décrocher l’or. Un rêve ultime qu’elle espère réaliser à titre personnel, mais aussi pour son mari et ses enfants. PROPOS RECUEILLIS PAR VANESSA MAUREL
Mélina Robert-Michon est l’athlète française ayant remporté le plus de titres nationaux (34). Pourtant, la lanceuse de disque qui s’apprête à disputer ses sixièmes Jeux Olympiques n’est pas rassasiée… Bien au contraire. « Le podium des Jeux Olympiques de Rio en 2016 m’a juste donné envie d’y rester et même de grimper à la première place ! » nous confie-t- elle. Cette année-là, au Brésil, Mélina est sacrée vice-championne olympique. L’année suivante, elle annonce sa deuxième grossesse, puis met au monde une petite Enora, en juin 2018, à moins d’un an et demi de la date originelle des JO de Tokyo. « Avec mon compagnon, on s’est demandé si je continuais ou si j’arrêtais. C’est ensemble qu’on a pris la décision, c’est notre projet. Il est autant impliqué que moi », explique-t-elle avant de prendre la parole sur le sujet encore tabou de la maternité dans le sport de haut niveau.
« Après une grossesse, et surtout la première, c’est très difficile émotionnellement à gérer. Lorsque j’étais enceinte de ma première fille, je me demandais sou- vent si j’aurais envie de reprendre. Mais au final, cette coupure m’a fait le plus grand bien. Je me suis rendue compte que l’envie était toujours là, et je suis re- venue plus motivée encore. Le sport de haut niveau est usant, autant physique- ment que mentalement. On enchaîne les saisons en perdant le fil des choses. Cette pause m’a, à titre personnel, permis de retrouver les bonnes raisons pour lesquelles je pratiquais ».
Être sportive et maman, « c’est du sport en dehors du sport ! »
À travers cette nouvelle aventure à Tokyo, Mélina Robert-Michon veut aussi montrer l’exemple à ses filles avec une devise : le travail paie toujours. Cet or olympique permettrait de leur prouver que « lorsque l’on veut quelque chose, il faut se donner les moyens d’y arriver. » Être athlète de haut niveau demande de beau- coup se déplacer, d’être parfois éloignée de sa famille, et de tenir un rythme de vie différent de celui de Madame tout le monde.
« TOUS LES PAPAS ET LES MAMANS DU MONDE ONT DES AVANTAGES ET DES INCONVÉNIENTS DANS LEUR TRAVAIL. »
« Tous les papas et les mamans du monde ont des avantages et des inconvénients dans leur travail. Moi, j’ai des contraintes du fait que je doive m’entraîner tous les jours et parfois m’absenter, mais je dis aussi à mes filles que je peux très souvent aller les chercher à la sortie de l’école et que ça c’est une chance que beaucoup d’enfants n’ont pas. » Une vie millimétrée à la seconde près. « C’est du sport en dehors du sport ! Mais c’est un équilibre dont j’ai besoin. Je ne peux pas être bien dans ma vie sportive si je ne suis pas bien dans ma vie personnelle et in- versement. Aujourd’hui je peux le dire, je ne changerais cette vie-là pour rien au monde.
Tokyo se fera sans sa famille
Si, à Rio, Mélina a pu profiter des clameurs du public, des applaudissements et sur- tout de la présence de son compagnon dans les tribunes, cette fois-ci l’ambiance sera toute autre. La présence de supporters dans l’enceinte des stades est tou- jours compromise à l’heure où nous écrivons ces lignes, et l’athlète est sûre que ni ses filles, ni celui qui partage sa vie, ne seront là pour l’encourager. « Ce n’est pas possible, ça demande trop d’organisation et c’est coûteux. Quand j’ai des accompagnants avec moi, ces derniers n’ont pas accès au village olympique et à certaines zones réservées aux sportifs. S’ils sont sur place mais que je ne peux pas les voir, c’est plus frustrant que ré- confortant… Alors la réponse est toute trouvée. » Pourtant, c’est aussi pour sa famille que Mélina Robert-Michon va se battre. « Une médaille a toujours plus de saveurs quand on peut la partager. »
Pause-bébé, Le conseil de Mélina
QUE CONSEILLERIEZ-VOUS À UNE SPORTIVE DE HAUT-NIVEAU QUI VEUT CONSTRUIRE SA FAMILLE ?
« Je pense qu’il faut bien choisir son entourage. Personnellement, j’ai eu la chance d’avoir deux entraîneurs qui ne m’ont jamais dit que mon projet de grossesse n’était pas une bonne idée ou que ce n’était pas le bon moment pour faire un enfant. Déjà que ce n’est pas évident de prévoir sa pause, alors si en plus les gens à vos côtés vous mettent des bâtons dans les roues…
« Mon but n’était pas de revenir à mon niveau, mais de revenir encore meilleure ! »
Néanmoins, il faudrait accompagner davantage les entraîneurs sur ce sujet. C’est normal que ça fasse peur. Certains d’entre eux ont une méthode bien précise d’entraînement, et ça demande beaucoup d’adaptation, voire de changement. C’est la plus grande qualité qu’un entraîneur puisse avoir. Il faut leur montrer que c’est possible et les accompagner. Souvent, on nous demande si on arrivera à revenir à notre niveau. Quand on m’a posé cette question j’ai répondu que non. Mon but n’était pas de revenir à mon niveau, mais de revenir encore meilleure ! »