Marie Patouillet est l’une des belles histoires des Jeux Paralympiques de Tokyo. La cycliste handisport a eu le mérite de décrocher la toute première médaille de l’équipe de France aux Jeux Paralympiques de Tokyo : du bronze lors de la poursuite individuelle. Elle s’est ensuite également illustrée lors de l’épreuve sur route en C5 en remportant une deuxième médaille, de la même couleur. Un joli parcours sur lequel elle est revenue dans un entretien exclusif accordé à Women Sports.
WS : Vous avez commencé le vélo en 2017, racontez-nous.
Marie Patouillet : Jusqu’en 2017, je finissais ma formation de médecin militaire et pendant une visite d’aptitude, on m’a annoncé que j’étais inapte à être militaire et inapte pour courir, a cause de ma malformation de naissance*. Il a fallu digérer cette nouvelle, mais c’était difficile pour moi qui ai toujours fait beaucoup de sport.
Pour m’aider dans cette épreuve, une copine à moi m’a offert le dossard de l’étape du Tour de France, qui est ouverte au public. Le but était de réaliser un peu moins de 180 kilomètres et environ 4000m de dénivelés. De manière un peu inconsciente, j’ai acheté un vélo et je l’ai fait. J’ai mis 9h à finir l’étape. J’ai été tout le long avec la voiture balais. Mais le plus important est que j’ai pris du plaisir. Alors j’ai saisi l’occasion pour continuer là-dedans.
En 2018, vous vous spécialisez dans le cyclisme sur piste puis sur route, et seulement trois ans après vous participez aux Jeux Paralympiques. Etait-ce votre objectif ?
Au début mon objectif était seulement de reprendre du plaisir et d’être en concurrence avec des filles qui avaient le même type d’handicap que moi. C’est la première fois que je me sentais d’égal à égal avec mes concurrentes. J’avais dans un coin de ma tête les Jeux de Paris, 6 ans plus tard. Mais entre temps, j’ai rencontré Grégory Baugé, multiple médaillé, et tout a basculé. Ça a largement accéléré le processus. Les chronos sont tombés, les minima pour les Jeux aussi. Je n’allais pas laisser ma place.
Vous avez donc participé à vos premiers Jeux cette année à Tokyo. Quelle a été vos ressentis quand vous êtes arrivé dans le village ?
Lorsque j’imaginais ce moment, je pensais être prise d’émotion et de panique. Mais finalement, j’ai eu une sensation de sérénité. Je me suis seulement dit que j’étais prête, et qu’il n’y avait plus qu’à prendre du plaisir. Quand je suis rentrée la première fois dans le vélodrome, j’ai vu la belle piste en bois avec l’emblème des Jeux Paralympiques, j’étais juste heureuse et sereine.
Vous avez remporté deux médailles de bronze, était-ce l’objectif que vous vous étiez fixée ?
On m’a beaucoup parlé de médaille avant de partir, mais d’en parler me mettait plus de pression qu’autre chose. Gregory Baugé m’avait expliqué que les Jeux étaient différents de toutes les compétitions auxquelles j’ai pu participer auparavant. On peut être champion du monde et rater cette compétition. J’ai donc décidé de me détacher des médailles et de me fixer pour seul objectif de décrocher de nouveaux records personnels. Ça m’a permis d’y aller avec moins de pression.
Racontez nous ces moments si spéciaux que sont les podiums paralympiques !
Ça a été un peu spécial pour moi… Sur les deux podiums je ne me suis pas sentie très bien, j’étais à la limite de l’hypoglycémie ! Sur le second podium, j’ai une anecdote rigolote à raconter. Je me sentais tellement mal qu’un bénévole japonais m’a glissé un chocolat. Quant au premier podium des Jeux Paralympiques, j’ai seulement tenu l’hymne anglais, je me suis excusée auprès de mes concurrentes, et je suis directement allée m’allonger. J’étais plus concentrée pour ne pas tomber dans les pommes qu’autre chose alors j’avoue ne pas m’être vraiment rendue compte de la beauté du moment. En revanche, ce sont deux podiums qui resteront gravés et que j’ai adorés, notamment parce que je me suis très bien entendue avec mes concurrentes. Il n’y avaist aucune animosité, juste du FairPlay et de la bienveillance.
Quels sont vos objectifs désormais, Paris 2024 ?
Évidemment, ce sont les Jeux Paralympiques de Paris. Lorsque je suis rentrée de Tokyo, j’ai eu 10 jours pour couper du vélo. Mais quand j’ai retrouvé Gregory Baugé, on a discuté de la suite. Je veux qu’on continue ensemble jusqu’à Paris. Maintenant il va falloir que j’ose parler des objectifs, je ne suis plus une outsider, je ne peux plus me cacher derrière le fait que je suis nouvelle. J’y vais pour la plus belle des médailles.
* (anomalie articulaire au niveau de la cheville, et la présence de trois orteils au lieu de cinq à son pied gauche)