En 2004 à Athènes, la jeune Émilie Le Pennec décrochait le premier titre olympique de la gymnastique française. Aujourd’hui, le petit génie des barres asymétriques a troqué le justaucorps pour la blouse de kinésithérapeute, métier qu’elle exerce à Paris avec son père. Mais, 13 ans après son sacre, la gymnaste n’a rien oublié des règles de son sport.
À Athènes, vous avez été sacrée sur une note de 9,687. Concrètement, à quoi cela correspond ?
Pour obtenir cette note finale, deux types de juges interviennent. D’une part, il y a ceux qui donnent la note de départ qui correspond à la somme des difficultés du mouvement présenté par la gymnaste. Ensuite, il y a ceux qui apprécient l’exécution et qui retranchent la note à chaque erreur. Par exemple, si une pointe de pied n’est pas tendue, des points sont retirés. Ces juges notent également le côté artistique, c’est-à-dire qu’en plus des acrobaties obligatoires, il faut que le mouvement comporte des tours, des sauts chorégraphiques, des pivots… Autrement dit, il faut que ce soit joli !
Sur toutes ces notes, qu’est-ce qui est le plus redouté par les gymnastes ?
C’est surtout que le jury ne compte pas un élément pour sa valeur. Par exemple, la gymnaste présente une triple vrille mais les juges estiment qu’elle n’a fait que deux tours et demi et non pas trois tours complets. Du coup, elle obtient une note de départ plus basse que ce qu’elle espérait, de 2,5 au lieu de 3. C’est une situation très fréquente, notamment pour les sauts chorégraphiques.
Est-ce une erreur de la part des juges ou un manque d’impartialité ?
Non. La gymnaste présente son mouvement, c’est aux juges d’estimer les points de difficultés à lui attribuer. Comme ils sont plusieurs à déterminer la note de départ, c’est plutôt juste généralement. Après, des contestations sont possibles mais il faut être sûr de soi car c’est la Fédération française de gymnastique qui paye.

Comment construisez-vous enchaînements ?
Le mouvement est construit par l’entraîneur et la gymnaste, en fonction des capacités de cette dernière. Nous essayons d’avoir des points de difficultés et des points d’enchaînement. Ces derniers sont très importants car c’est bien d’avoir des grosses difficultés mais c’est mieux d’avoir des difficultés qui s’enchaînent. Cela rap- porte plus de points. Après, bien sûr, il faut également respecter certaines règles comme un seuil de difficulté sur la sortie des agrès. Nous ne pouvons pas sortir sur un mouvement trop simple.
Ce sont des règles plutôt strictes dans l’ensemble. Ne vous paraissent-elles pas un peu dépassées ?
C’est vrai que les règles de base à respecter sont assez strictes mais les choses évoluent quand même au l du temps. Par exemple, avant, pour la musique, il était interdit d’utiliser des sons avec des paroles. Aujourd’hui, le règlement est moins contraignant puisque les voix sont auto- risées, ce qui ouvre de très nombreuses possibilités pour les gymnastes. Après c’est sûr, toutes les musiques ne sont pas utilisables mais il faut bien mettre des li- mites quelque part.
Malgré tout, jugez-vous une règle plus contraignante que les autres ?
Je dirais que, pour toutes les gymnastes, c’est le fait de ne pas pouvoir toucher au justaucorps tout au long de l’enchaîne- ment. S’il vient à glisser pendant le mouvement, nous ne pouvons pas le remettre en place, même s’il nous rentre un peu dans les fesses (rires). Évidemment, pour faire face, il existe des astuces comme la colle qui permet de le fixer correctement. Et puis, nous sommes habituées : nous travaillons tous les jours de cette manière à l’entraînement donc, finalement, c’est une contrainte sans en être une.
Aujourd’hui, la gymnastique est loin derrière vous. A-t-elle eu un impact sur votre vie personnelle ?
Je ne pense pas. C’est vrai qu’une gymnaste a une vie très cadrée avec le rythme des entraînements notamment mais ce n’est pas quelque chose qui m’a marqué. J’ai très bien su m’adapter à la vie d’après. Ça me manque tous les jours, bien sûr, car c’est une passion mais je suis aussi contente aujourd’hui de vivre une vie sans gymnastique, de faire autre chose.
ÉMILIE LE PENNEC en bref
Née à La Garenne-Colombes le 31 décembre 1987, Émilie Le Pennec n’a que 7 ans lorsqu’elle commence la gymnastique. Très vite repérée, elle intègre le pôle France de l’INSEP à Paris en 2001. Avec l’équipe de France Junior, elle participe aux championnats d’Europe de Patra. Aux Mondiaux de Anaheim en 2003, elle se qualifie pour les Jeux Olympiques d’Athènes. Elle entre dans l’histoire le 22 août 2004 en dérochant l’or olympique aux barres asymétriques, une première en gymnastique française. L’année suivante, elle devient championne d’Europe sur le même agrès. Victime de blessures à répétition, elle met un terme à sa carrière le 27 septembre 2007 et se lance, un mois plus tard, dans des études de kinésithérapie. Elle exerce le métier depuis 2010 dans le 15ème arrondissement de Paris avec son père. En 2012, elle commente les Jeux Olympiques de Londres pour l’équipe de Canal +.