67 sélections en équipe nationale, triple médaillée d’argent aux championnats d’Europe avec les Bleues, double championne de France… À 29 ans, Diandra Tchatchouang a une belle carrière dans le basket. Mais pourquoi se reposer sur ses acquis quand certaines choses ont besoin de changer ? C’est la question que la jeune femme s’est posée. Basketteuse engagée, la numéro 93 n’a pas peur d’assumer ses idées. Native du 93, la Gazelle, capitaine du Basket Lattes Montpellier Association (BLMA) sait monter au front pour des causes qui lui tiennent à cœur. Sur le parquet, dans les quartiers, dans ses pensées comme dans ses actions, Diandra interpelle le système en place pour faire bouger les lignes et les consciences. Rencontre. PAR RUBEN DIAS
Mercredi 3 juin 2020, Montpellier. Elles sont noires et blanches, sportives de haut ni- veau, mais avant tout citoyennes. Amassée dans les rues par 20°C, une épaisse foule défile en hommage à Adama Traoré et George Floyd. Parmi elle, une certaine Diandra Tchatchouang. Genou au sol, pan- carte à la main, la Gazelle du BLMA a décidé de se mobiliser contre les violences policières. « On n’est pas insensibles aux injustices quelles qu’elles soient. (…) Je n’ai pas réfléchi une seule seconde, dès que j’ai su qu’il y avait cette manifestation. » Ce jour-là, touchée par les incidents de Minneapolis, la jeune femme n’a pas hésité à sortir dans la rue. « C’était important pour moi d’y être. C’était un signe fort que le peuple français se lève. La culture aux États-Unis est peut-être différente, mais les combats sont les mêmes… » La remarque en devient encore plus pertinente quand, à Paris, un producteur de musique est tabassé par la police, fin novembre 2020. 15 minutes de coups et d’insultes racistes… « C’est horrible. La vidéo est devenue virale, et c’est bien parce qu’elle fait réfléchir, mais c’est loin d’être un cas isolé. Des scènes comme celle-la, il y en a bien trop souvent, mais il n’y a pas de traces… en images du moins. »
Mais alors comme en NBA, devrait-on en faire plus en France, le genou au sol avant chaque match, les maillots floqués Black Lives Matter ? Diandra l’assure, « les deux pays sont trop difficiles à comparer. Aux US, les mouvements sont collectifs, et ils sont supportés par la grande majorité de la nation et reconnus au niveau national. En France, cela commence à venir, mais il faut laisser du temps. Et puis, pour dire la vérité, sans citer de noms, certains m’ont déjà dit avoir peur du regard des gens, peur d’être jugés s’ils soutiennent le mou- vement. » Une peur qu’il faut « respecter » selon l’internationale tricolore.
Le 93 dans les veines
En Seine-Saint-Denis, celle qui prend comme idole Mohammed Ali a créé l’opé- ration « Take Your Shoot ». Une expression que l’on pourrait traduire par « tente ta chance ». Ainsi, de jeunes basketteuses du 93 (11 à 15 ans) peuvent rencontrer des personnalités féminines issues de tous les milieux (sport, arts, mode, en- treprise, politique, ect.), pour partager conseils et expériences avec leurs aînés. Oui, la Seine-Saint-Denis fait l’internationale tricolore. Inscrit sur le maillot, le numéro du département est surtout gravé dans son cœur. « J’aime cet endroit et j’essaye de l’aider. Je tente de lui rendre tout ce qu’il m’a donné (rires). » Parce que c’est à la Cour- neuve qu’elle a grandi. C’est là-bas aussi qu’elle a posé ses premiers dribbles. Alors, « Study Hall 93 », c’est son bébé. Une association qu’elle a créée de toutes pièces. L’objectif ? Offrir des cours de soutien scolaire aux jeunes licenciés des clubs sportifs locaux. Une heure d’étude est ainsi proposée gratuitement, entre la fin des cours et le début de l’entraînement aux sportifs. Le but est d’éviter l’er- rance entre l’école et le gymnase. « J’ai été jeune, je sais très bien de quoi on a envie. Le nombre de fois où je n’ai pas fait mes devoirs pour passer du temps avec mes amis… (rires). »
Quel avenir ?
À 29 ans, Diandra Tchatchouang n’est pas encore une vétérane. Disputer les Jeux Olympiques de Paris en 2024 avec l’Équipe de France trotte dans un coin de sa tête. Mais elle a déjà commencé à penser à son après-carrière. La jeune femme prépare son futur, qui se joue du côté de Sciences Po Paris. Mais si elle ne se voit pas continuer dans le mi- lieu du basket, elle n’exclut pas de faire quelque chose dans le journalisme. Alors avec « Super Humains » – podcast qu’elle anime depuis le premier confinement de partie de mars dernier -, elle donne la parole à des sportifs à la trajectoire chaotique. Comme son premier témoin Aristide Barraud, ex-rugbyman du Stade Français, grièvement blessé lors des attentats de Paris le 13 novembre 2015, ou la tenniswoman Marion Bartoli et son parcours exceptionnel. « L’idée est de mettre en lumière des combats de vies hors du commun, pour que chacun puisse s’inspirer de leurs histoires, mais aussi de leurs énergies. »