À 27 ans, Amandine Buchard est une référence mondiale du judo. Vice-championne olympique à Tokyo en août 2021, elle incarne l’un des plus grands espoirs de titre olympique pour Paris 2024. Dans cet entretien, elle évoque son parcours, se confie sur son combat pour l’inclusion, et livre ses impressions sur son nouveau statut de star du judo. PROPOS RECUEILLIS PAR LES ÉQUIPES D’EUROSPORT – RETRANSCRIPTION PAR NICOLAS DIDIERJEAN. Extrait du WOMEN SPORTS N°28.
EUROSPORT / WOMEN SPORTS : RACONTE-NOUS TON PARCOURS.
AMANDINE BUCHARD : J’ai démarré le judo à l’âge de 6 ans. Mon papa était lutteur et c’est lui qui m’avait inscrit. J’ai grandi dans le 93 en Seine Saint-Denis, et pour lui c’était important que je sache me défendre en tant que femme. A l’école, je voulais me battre avec les garçons ! J’ai tout de suite accroché car ce sport me correspondait. En grandissant, j’ai gravi des échelons : niveau régional, puis national. J’ai ensuite atteint les podiums des Championnats de France avant d’obtenir mes premières sélections internationales. C’est à partir de là que j’ai fait mes preuves, et que je suis allée chercher mes sélections pour les championnats d’Europe et du monde. J’ai été en équipe de France cadet, junior, et senior.
À QUEL MOMENT LE JUDO EST-IL DEVENU UN RÊVE ? QUAND AS-TU COMMENCÉ À RÉALISER QUE TU N’EN FAISAIS PAS SIMPLEMENT POUR SES VALEURS, MAIS POUR ESSAYER D’ALLER BEAUCOUP PLUS HAUT ?
J’ai toujours aimé apprendre par anticipation. Ça m’a aidé à vite progresser et j’ai eu cet instinct de compétition très tôt. Dès l’âge de 10-11 ans, j’avais déjà en tête de devenir championne de judo. Lors d’un mercredi équipe de France à Saint-Denis, j’étais ceinture Orange-Verte, et j’avais rencontré Larbi Ben Boudaoud, qui, plus tard, on l’apprendra, sera mon coach aux Jeux Olympiques. D’autres champions étaient avec lui, et quand je les ai vus, je me suis dit « Moi aussi un jour je veux être championne ! ».
TU PARLAIS DE COACH, MAIS EST- CE QU’IL Y A UNE FIGURE DU JUDO QUI T’A INSPIRÉE QUAND TU ÉTAIS JEUNE ?
Oui, Lucie Décosse, une très grande championne. Elle m’a beaucoup inspirée et m’a donné envie de devenir comme elle. Il y a aussi Clarisse Agbegnenou, qui est une de mes meilleures amies. C’est une grande sœur sur qui je me suis beaucoup appuyée. Lorsque je suis arrivée en équipe de France, j’avais 16-17 ans. Clarisse était là, et j’avais envie d’être comme elle. Aujourd’hui, c’est la taulière et notre modèle. C’est elle qui nous a montré le chemin. Pour moi, c’est une grande source d’inspiration, et j’espère avoir son palmarès dans les années à venir.
MAINTENANT QUE TU AS UN PALMARÈS, AVEC LES RÉSULTATS QUE TU AS OBTENUS, COMMENT T’ES-TU RENDU COMPTE QUE TU ÉTAIS DEVENUE TOI-MÊME UNE SOURCE D’INSPIRATION ?
Je m’en suis rendu compte via tous les messages de soutien que j’ai reçus après les Jeux, de la part de toutes les personnes que j’ai pu rencontrer, que ce soit dans les écoles, les compétitions, lors d’évènements sportifs ou caritatifs. Je me suis dit : « Ah oui! En fait, je suis un peu plus que la sportive de haut ni- veau ». Aujourd’hui, je véhicule beaucoup plus, et c’est très flatteur. On se dit qu’on avait des modèles lorsqu’on était jeunes et qu’on est devenus ces modèles-là pour les plus jeunes.
Je prends ce rôle très à cœur et j’espère continuer de les inspirer et de leur inculquer beaucoup de valeurs.
IL Y A EU UN AVANT ET UN APRÈS JO, ON A AUSSI BEAUCOUP ENTENDU PARLER DU DOCUMENTAIRE « FAUT QU’ON PARLE » : Y A-T-IL EU UN AVANT ET UN APRÈS DOCUMENTAIRE ?
Le plus fort, ce sont tous les messages touchants que j’ai reçus de la part des enfants, des adolescents, des parents, des professeurs, des sportifs… Il y a des gens qui ont arrêté le sport parce qu’ils ont été rejetés ou victimes de discrimination. Le reportage a redonné à certains l’envie de reprendre et donné à d’autres l’envie de témoigner à leur tour. Je suis heureuse parce que ça a eu un impact au-delà du sport. Le gouvernement veut maintenant montrer le documentaire dans les écoles pour sensibiliser, ce qui montre qu’on a fait un grand pas. J’espère que ça ne va pas être quelque chose d’éphémère. Je souhaite que ça permette de libérer la parole, et de changer les mentalités.
AMANDINE, IL Y A EU DE GRANDES CHOSES ENTRE TES RÉSULTATS ET CE DOCUMENTAIRE. DE QUOI ES-TU LA PLUS FIÈRE AUJOURD’HUI DANS TA CARRIÈRE ?
Je dirais cette médaille olympique, et à choisir, l’individuelle, parce que c’est une récompense de tout le travail qui a été fourni toutes ces années, et de toutes les fois où j’ai voulu abandonner mais où je n’ai pas lâché. Elle est en argent mais pour moi c’est une médaille qui vaut de l’or, ne serait-ce que pour toutes les épreuves par lesquelles je suis passée. Et puis c’est aussi un beau clin d’œil à mon papa parce que c’était mon rêve à moi, mais c’était son rêve à lui aussi. Malheureusement, je l’ai per- du le 1er décembre 2008, j’avais 13 ans, et il m’a donné la force d’atteindre ces objectifs et de réaliser ce rêve, notre rêve. Et pour moi, c’est une très belle reconnaissance et une très belle récompense aussi pour lui.
QU’AIMERAIS-TU DIRE AUX PARENTS QUI S’INQUIÈTENT DE VOIR LEURS ENFANTS PEUT- ÊTRE TIRER UN TRAIT SUR LEURS ÉTUDES ET QUI VEULENT ABSOLUMENT FAIRE CARRIÈRE DANS LEUR SPORT ?
Les jeunes peuvent se focaliser sur le sport de haut niveau, mais ils ne doivent surtout pas lâcher les études. Le sport de haut niveau dure un moment, mais il faut penser à la reconversion. Je pense que les parents doivent s’engager à 100 % dans le projet de leurs enfants. Ils doivent les encourager, être à leurs côtés et rester à leur écoute. Il y a des athlètes qui ont abandonné, ou qui ont traversé de très mauvaises périodes parce qu’ils n’étaient pas soutenus au niveau familial. Il faut se rendre compte de la chance qu’on a d’avoir une famille.
QUE CONSEILLERAIS-TU AUX FILLES QUI VOUDRAIENT DEVENIR LA FUTURE AMANDINE BUCHARD ?
Alors, c’est beaucoup de travail, de rigueur et de détermination. Il y a une phrase que je prône haut et fort, c’est le travail paie toujours. Il faut être patient, déterminé et motivé. Il faut aussi se fixer des objectifs parce que c’est très important. C’est ce qui va vous inciter à vous lever tous les matins et ce qui va vous aider à réaliser vos rêves. Et vous devez croire en vos rêves. Moi, je suis passée par là, j’ai été enfant comme vous, je n’ai pas eu un parcours facile, et pourtant aujourd’hui, je suis médaillée olympique et je suis épanouie.
La série « Inspirantes » est réalisée en partenariat avec Eurosport. Retrouvez les interviews vidéo sur Eurosport.fr
Amandine Buchard en bref
Née le 12 juillet 1995 à Noisy-le-Sec, Amandine est une judoka professionnelle française.
Elle a remporté la médaille d’argent au championnat d’Europe 2014 et la médaille de bronze lors du championnat du monde la même année en moins de 48 kg. En 2016, elle est passée en moins de 52 kg. Elle a été médaillée de bronze lors des championnats du monde 2018 et 2022. Elle a été sacrée championne d’Europe en avril 2021. Lors des JO de Tokyo en août 2021, elle a obtenu la médaille d’argent en épreuve individuelle puis la médaille d’or en équipe mixte.
La spécialité d’Amandine, c’est le « Kata-Guruma », un mouvement qui consiste à saisir la manche de l’adversaire d’une main, attraper le revers du kimono de l’autre et le faire basculer.
Son rêve est de décrocher la médaille d’or aux Jeux Olympiques de Paris en 2024.