En nous lançant dans la réalisation d’un dossier sur la féminisation du vélo, il nous fallait trouver des acteurs qui nous parlaient, dont les actions et les valeurs résonnaient avec la ligne éditoriale de Women Sports. On s’est souvenu avoir entendu parler du concept Les Bornées quelques mois plus tôt. C’est ce qui nous a mené à échanger avec Maud Baudier, fondatrice de cette start-up. Portrait d’un concept pas comme les autres.
Par Léa Borie
Extrait du magazine WOMEN SPORTS N°23 d’octobre-novembre-décembre 2021
Genèse d’un projet global

Il y a quelques années encore, Maud Baudier travaillait dans le marketing, en tant que business developer. Elle se met à courir et complète sa pratique avec du vélo. La machine est en route. Mais très vite désillusionnée, elle reçoit des messages qui lui garantissent qu’elle ne finira pas la course à laquelle elle s’est inscrite, à cause de son genre. L’idée Les Bornées était née. L’objectif premier de Maud Baudier au départ : mettre plus de femmes sur les vélos des routes de France. Un goal qui s’est étoffé au fil des ans…
Aujourd’hui, des rides Les Bornées sont organisés dans 26 villes, encadrés par 58 ambassadeurs et ambassadrices passionnés, avec l’envie de transmettre, d’accompagner et de partager à chaque kilomètre. Désormais, les membres peuvent aussi proposer un parcours.
Des niveaux de difficultés ont été mis en place, pour constituer des groupes homogènes lors des sorties au sein de cette communauté si éclectique. En matière d’homogénéité d’ailleurs, hommes et femmes composent les sorties. « Dès le début, il a été évident que les hommes aient leur voix au chapitre. Ce sont de futurs pères, des frères, des amis… Ils sont un vecteur de motivation des femmes. Certains pensaient ne pas avoir le droit de venir au début, mais aujourd’hui, ils sont 40 / 60 %. »
Obstacles et sexisme du XXIe siècle

Maud, fondatrice du projet Les Bornées, nous explique que selon elle, les obstacles auxquels les femmes se heurtent encore aujourd’hui sont multiples. « Le premier blocage n’est pas l’environnement mais la femme elle-même, l’image qu’elle a d’elle. Le modèle mis en place par la société pose la femme comme étant moins capable, ce qui lui fait perdre confiance en elle et l’amène à oser moins de choses. C’est très révélateur sur les courses. Nombre d’hommes s’inscrivent sans préparation mais se sentent malgré tout capables. Car dès la petite enfance, on leur a dit qu’ils pouvaient le faire. Et les femmes, elles, arrivent souvent sur-préparées, d’où un très faible taux d’abandon. » Cette construction demande donc aux femmes d’être rassurées pour prendre confiance.
Vient l’environnement familial des femmes, 2e point de blocage évoqué par la fondatrice des Bornées. « Leur éducation, comment elles ont grandi. Un père, un frère qui leur a rabâché, sans forcément penser à mal, que c’est trop lourd, qu’elles ne pourront pas le faire seule… » Un protectionnisme qui est plus rarement opéré chez le garçon. « Sur le plan mécanique, bien souvent, un papa montrera les rudiments d’une bonne réparation de vélo à son fiston, mais laissera sa fillette en dehors de ça. Il n’est pas plus débrouillard mais on lui a montré, ce qui fait qu’en mécanique, un homme se sentira plus ‘‘secure’’. Et la femme moins à même de changer une roue crevée en pleine pampa ».
Le tour à l’environnement indirect après ça. « Des inconnus sur les réseaux sociaux qui arrivent sournoisement à faire perdre confiance. Quand j’ai commencé, je me suis pris des réflexions abjectes qui sont venues écorner ma confiance en moi ». En matière de sexisme, la remarque comme quoi une femme ne serait pas jolie sur un vélo tend à s’estomper. Mais il est encore important aux yeux de Maud de rappeler que « Non, on ne fait pas du sport pour être sexy mais pour se faire plaisir ! Il y a aussi, encore, des comportements çà et là d’hommes qui ne supportent pas d’être doublés par une femme, et seraient capables de se mettre dans un rouge pas possible face à une athlète bien plus entraînée qu’eux. Agressions verbales et mises en danger sont marginales mais c’est la minorité visible et dangereuse. »
Horizon futur pour Les Bornées
Fort du constat que 80 % de la communauté venait de la course à pied, le club Les Bornées s’est affilié à la Fédération française de triathlon. Sur la plateforme, on peut aussi retrouver des sorties run, natation… Mais aussi une série d’expériences à la carte de sorties à la journée, à la semaine… Une collection textile a été lancée pour confirmer cette appartenance communautaire. Les Bornées, c’est aussi un podcast sur des sujets précis, autour de la mécano. Et aujourd’hui, le projet espère toucher différentes cultures, pour que « lors d’un voyage, après un déménagement, plus jamais tu ne fasses du sport tout seul », espère Maud Baudier.