La ministre des Sports Laura Flessel a reconnu l’existence d’un «dysfonctionnement» dans les mécanismes de protection des jeunes sportifs contre les violences sexuelles après que Mediapart ait révélé lundi que la Fédération française de motocyclisme (FFM) n’avait pris aucune mesure contre le patron d’un centre de moto-cross accusé d’agressions sexuelles par deux élèves en 2011 et condamné pour ses faits en 2015.
C’est une affaire pour le moins inquiétante qu’a révélé le site Mediapart lundi matin…
Le patron du célèbre centre de moto-cross Mérel Off Road, Michel Mérel, condamné à quatre ans de prison avec sursis (avec obligation de soins et interdiction de travailler au contact des mineurs) pour des faits d’agressions sexuelles sur mineure par la Cour d’assises de Loire-Atlantique en 2015 [mais acquitté pour les faits de viols et agressions sexuelles sur une autre plaignante, « au bénéfice du doute »], n’a jamais été condamné par la Fédération française de motocyclisme (FFM). D’après Mediapart, cette dernière était pourtant informée de l’ouverture d’une procédure à l’encontre de l’ancien champion, aujourd’hui âgé de 64 ans, depuis la fin de l’année 2012. Pire : la FFM a même renouvelé le label « Site d’excellence sportive » à Mérel Off Road, en 2013 puis de nouveau en 2015, faisant du centre nantais et de sa section sport-étude accueillant des jeunes à partir de 14 ans, l’un des établissements les plus côtés de France.
Sollicitée plusieurs fois en vain par Mediapart, la FFM s’est justifiée auprès de l’AFP en indiquant que le verdict n’interdisait pas à Michel Mérel de poursuivre ses activités, qu’il avait interjeté appel et qu’il fallait tenir compte de la présomption d’innocence. L’audience d’appel, qui devait avoir lieu mardi 19 décembre à la Cour d’assises des Côtes-, a été repoussée « en raison de l’état de santé de l’accusé », selon les informations fournies par le Tribunal de grande instance de Saint-Brieuc à Mediapart. Rappelons également que le parquet avait fait appel de l’acquittement de Michel Mérel pour les faits de viol, requérant une lourde condamnation à l’encontre de l’entraîneur (10 ans de réclusion criminelle).
Les procédures et mécanismes d’alerte « passés au crible »
La ministre des Sports Laura Flessel, qui déclarait il y a quelques semaines dans les colonnes de L’Express qu’il n’y avait « pas d’omerta dans le sport » [ndlr : parallèle avec l’affaire Weinstein qui soulève tout Hollywood depuis début octobre], est bien obligée de se rendre à l’évidence : il se pourrait fortement qu’elle se trompe…

Mais le ministère est informel : il n’était pas au courant de cette affaire. « Ni les services déconcentrés, ni la direction technique nationale n’en ont informé la direction des sports [du ministère]. Ils ont jugé, à tort, que dans la mesure où le jugement faisait l’objet d’un appel, il convenait de ne pas informer. », a répondu à Mediapart le cabinet de Laura Flessel lundi, reconnaissant l’existence d’un « dysfonctionnement ». Le ministère promet de « passer au crible les procédures sur les mécanismes d’alerte de la part des services déconcentrés d’un côté et des directions techniques nationales de l’autre ». Par ailleurs, il annonce que le label « Parcours d’excellence sportive » du centre Mérel Off Road, acquis en 2015 et justement en cours d’examen, ne lui sera évidemment pas renouvelé.
En revanche, le ministère des Sports ne précise pas les éventuelles sanctions qui pourraient être prises à l’encontre de la FFM coupable de mutisme.
Harcèlement, violences et agressions sexuelles : et le sport ?
Les sociologues Catherine Louveau, professeur émérite à l’Université Paris Sud, et Philippe Liotard, chargé de mission Égalité à l’Université Lyon 1, ainsi que le Dr Véronique Lebar, présidente du Comité Éthique et Sport, ont appelé à l’ouverture d’une « large campagne de témoignages » dans les colonnes du Monde dimanche. « En France, les victimes gardent le silence, parce que des agressions et le harcèlement ne sont pas toujours perçus comme des violences ou parce qu’on les invite à se taire […]. Il est de notre devoir de créer les conditions pour que la parole se libère dans le sport aussi et que la réalité soit dite. […] Il est donc grand temps que cesse l’omerta ».