Elle a appris à jouer au football dans une équipe de garçons. Elle est aujourd’hui l’une des femmes star du sport français. Laure Boulleau est l’arrière gauche du Paris SG et de l’équipe de France avec laquelle elle disputera cet été le tournoi olympique à Rio. Spontanée, ambitieuse et ultra connectée, cette «Lizarazu au féminin» – une comparaison qu’elle revendique – donne un coup de pied (gauche) aux idées reçues sur la place des femmes dans le sport. Avec un message fort : «Le sport, c’est avant tout du plaisir !».
Propos recueillis par David Tomaszek
Laure, la légende raconte que vous avez été repérée par un surveillant de votre collège qui a décelé vos qualités de footballeuse dans la cour de récréation. Cette anecdote est-elle authentique ?
Absolument ! J’ai toujours adoré le football et j’y jouais chaque jour au sein de mon collège, en Auvergne. Mais j’ignorais complètement qu’il était possible pour une fille de le pratiquer en club. Or le surveillant du collège n’était autre que l’entraîneur de l’équipe de garçons du coin, le FC Riomois. Il m’a fait venir. J’ai intégré cette équipe masculine et découvert qu’une fille peut y évoluer avec un an de plus dans une catégorie d’âge des garçons. Tout s’est enchaîné très vite. Six mois plus tard j’intégrais le centre technique national de Clairefontaine.
A Clairefontaine, vous avez côtoyé Blaise Matuidi qui y était également pensionnaire. Quinze ans plus tard, vous êtes tous deux professionnels au PSG. En parlez-vous ensemble ?
Oui nous sommes restés proches avec Blaise. D’ailleurs lorsque nous étions adolescents à Clairefontaine, il faisait partie des rares garçons à suivre de près les équipes féminines. Après, nous avons eu des parcours très différents et c’est amusant de se retrouver aujourd’hui au sein du même club.
Vous êtes arrière gauche et Blaise Matuidi a dit de vous que vous étiez la « Lizarazu au féminin ». Comment recevez-vous cette comparaison ?
Je suis honorée. Ma passion pour le football est née en 1998 lorsque j’ai vu les Bleus remporter la Coupe du monde. J’avais alors 12 ans. Bixente Lizarazu est un très grand joueur, la référence au poste de latéral gauche qui est le mien. En outre, c’est un homme très bien que j’ai eu la chance de rencontrer par la suite.
Quels sont vos autres modèles dans le football ?
Essentiellement des latéraux. Les deux latéraux du Bayern Munich me plaisent : David Alaba qui occupe le flanc gauche, comme moi, et Philippe Lahm qui est de l’autre côté du terrain mais qui m’inspire également beaucoup. Et bien sûr le latéral gauche du PSG, le Brésilien Maxwell. Chez les joueuses, je n’ai pas de modèle à mon poste au niveau international, mais je suis admirative des qualités de l’Américaine Alex Morgan et de la Brésilienne Marta, sans doute les deux meilleures joueuses du monde.
Vous évoluez sous le maillot de l’équipe de France depuis l’adolescence. Quel est votre plus grand souvenir ?
Je fais effectivement partie d’une génération de joueuses qui ont grandi ensemble. Je porte le maillot de l’équipe de France et côtoie certaines coéquipières en Bleues depuis 16 ans ! Ma meilleure copine, c’est Sabrina Delannoy, qui joue également au PSG. Le meilleur souvenir en équipe de France, c’est la Coupe du monde 2011 dont nous avons atteint la demi-finale. C’était vraiment notre première grande performance. En 2015 c’était aussi très fort, même si nous avons été éliminées en quarts.
Au sein du PSG, vous avez connu l’avant et après ère qatarie. Expliquez-nous la différence.
Avec l’arrivée des Qataris, nous avons changé de monde. Auparavant, nous n’étions pas professionnelles. Nous avions chacune un travail en journée et devions nous entraîner le soir. Nous avions des primes de match, mais pas forcément de salaire. Aujourd’hui, toutes les filles de l’équipe sont sous contrat. Nous nous entraînons en journée et nous dédions à 100% au football. Le staff a été élargi. Nous avons désormais un médecin, un programme spécifique de musculation, etc. Les résultats ont suivi. En 2015, nous avons disputé la finale de la Ligue des champions (perdue contre Francfort 2-1, ndlr).
Venons-en aux aspects publics de votre métier. Vous êtes la sportive française la plus suivie sur Twitter et vous êtes ambassadrice de plusieurs marques. A quoi attribuez-vous ce succès ? Assumez-vous ce côté « business » et comment le travaillez-vous ?
Je gère moi-même ma communication sur les réseaux sociaux. Je refuse l’intervention d’un community manager. J’écris tous mes textes, même les messages commerciaux que me demandent de relayer mes sponsors. J’y tiens beaucoup. Cela me plaît. Je n’ai pas la sensation d’être hyperactive sur les réseaux mais il est vrai que ce mode de fonctionnement assez spontané a l’air de pas mal marcher ! En ce qui concerne les sponsors, tout est question d’opportunités. J’avoue que je suis ambitieuse et attentive aux propositions. J’ai même parfois négocié des contrats personnellement comme avec Orange. Pour les autres marques, j’ai été approchée par des agents comme pour Nike, Nissan, Procter & Gamble, Garnier et par le passé Allianz et Daniel Hechter. Aujourd’hui, ces contrats « d’ambassadrice de marque » représentent environ 40% de mes revenus, mon salaire représentant les 60% restants. Je suis consciente d’être chanceuse sur ce point et je l’apprécie à sa juste valeur. Au début de ma carrière, je gagnais vraiment très peu d’argent !
Selon notre sondage exclusif, Laure Manaudou reste la sportive préférée des Français devant toutes les sportives en activité. Quelle est votre réaction ? Que faire pour que vous deveniez N.1 dans un prochain sondage ?
Tout d’abord je suis super contente pour elle. C’est une immense championne et elle le mérite. Le fait qu’une championne « retraitée » devance en notoriété toutes les sportives en activité ne me surprend pas du tout. La notoriété de Laure Manaudou dépasse le cadre du sport. J’ai même envie de dire que c’est après la carrière sportive que commence à se créer la véritable notoriété auprès du grand public. En devenant par exemple consultante à la télévision, ce que je fais depuis peu sur beIN Sports. Il est assez difficile d’identifier une sportive en activité. Les compétitions étaient jusqu’alors assez peu médiatisées. Le fait que les prochains grands événements de football féminins soient diffusés en clair (le tournoi olympique de Rio et l’Euro 2017 sur France Télévisions, la Coupe du monde 2019 sur TF1), va changer la donne. Et puis pour gagner vraiment en notoriété, il faut briller dans une très grande compétition. On en reparlera si l’on ramène une médaille de Rio !
Que pensez-vous de la place des femmes dans le sport ?
La pratique sportive se démocratise chez les femmes mais il reste quand même du chemin à parcourir. Surtout en France ! Allez faire un tour aux Etats-Unis pour vous en convaincre. Et je ne parle pas que du « soccer ». La femme sportive est omniprésente dans les rues mais aussi dans les publicités et dans les films. Je pense qu’on pourrait faire changer les mentalités en donnant ici aussi une image plus moderne de la femme sportive. On n’insiste pas assez sur le fait que le sport, c’est avant tout du plaisir !
Comment faire avancer les choses ?
Je ne suis pas féministe. Je crois beaucoup plus à l’exemplarité qu’aux discours. Je suis fière d’être une pionnière et de montrer à mon petit niveau l’image d’une sportive ambitieuse. Par exemple, je suis super fière d’être sollicitée pour être consultante à la télévision. Et surtout, j’insiste là-dessus : je veux que l’on oublie que je suis une femme ! Depuis toujours, je me sens bien dans les univers masculins. J’aimerais qu’à terme, il n’y ait plus de frontière entre les garçons et les filles dans le monde sportif.
Il y a néanmoins encore des combats à mener pour les femmes dans le sport, non ?
Bien sûr. Celui de la maternité, par exemple. Aujourd’hui, il est plus simple pour une sportive de reporter la naissance d’un enfant à l’après-carrière. C’est clairement ma réflexion personnelle: je suis dans le « money time » de ma vie de footballeuse. Si demain, les sportives professionnelles pouvaient bénéficier d’une sécurité sur ce point, sans doute seraient-elles plus nombreuses à choisir de faire une coupure dans leur carrière pour donner naissance à un enfant. Autre question pratique toute bête: si j’avais un bébé, aurais-je le droit de l’emmener avec moi à Rio ? Il y a des ajustements juridiques à faire en faveur des sportives.
Questionnaire décalé
Vos hobbies hors football ?
La guitare, le cinéma, le shopping
Vos films « culte » ?
« Will Hunting » et la saga « Harry Potter »
Et à la TV, vous regardez quoi ?
Le football et « Game of Thrones »
Vos goûts musicaux ?
La variété fançaise. En « blind test » je suis incollable sur Jean-Jacques Goldman !
Vos plats préférés ?
La tartiflette et la salade de chèvre chaud. Je suis auvergnate, j’aime le fromage !
Le voyage qui vous a le plus marqué ?
Dans le cadre du football j’ai eu la chance de découvrir Jérusalem. Une ville qui nous a toutes « scotchées ». On avait l’impression d’être dans un livre d’histoire.
Vos « sex symbols »
en général et dans le football ?
Je vais choisir deux acteurs : Jude Law et Daniel Craig (mais uniquement en James Bond !). Et pour le footballeur le plus sexy je vais choisir Kevin Trapp, le gardien du PSG. Mais bon vous savez, je ne suis pas en quête, je suis déjà avec l’homme idéal (rires) !