Secrétaire générale de la Fédération Française de Football (FFF) depuis juin 2011, Brigitte Henriques présentait la semaine dernière la nouvelle saison de la D1 féminine. L’occasion de faire un bilan et de parler des perspectives et objectifs de la FFF pour le football féminin.
La diffusion de la D1 féminine, par France Télévisions et Eurosport, offre une fenêtre médiatique importante au football féminin. Que fait la FFF pour accompagner le développement de la pratique ?
Brigitte Henriques Depuis cinq ans, la Fédération fait beaucoup de choses. Noël Le Graët (président de la FFF, ndlr) a fait du football féminin une priorité lors de son élection. De la parole, il est passé aux actes en dégageant des moyens humains et financiers. La Fédération investit 4 à 5 millions d’euros par an sur l’équipe de France (fonctionnement, organisation des matches, etc). On est à l’équilibre pour la première fois cette année, grâce aux recettes de sponsoring et de billetterie. J’ai présenté un plan de féminisation, en quatre axes, en janvier 2012. Son objet portait sur la place des femmes dans le football. Les résultats sont probants puisque l’objectif de 100.000 licenciées a été atteint avec six mois d’avance. Le nombre de dirigeantes a également augmenté considérablement. Nous étions à 25.000, on sera bientôt à 40.000. L’arbitrage au féminin connaît une belle progression avec l’arrivée de cinquante arbitres en plus. Nous avons favorisé le développement des éducatrices. Leur nombre a doublé, passant de 600 à 1200. Notamment grâce à l’héritage de l’Euro 2016 avec des formations gratuites pour les hommes et les femmes. C’est une vraie satisfaction. Sur l’objectif de la formation, nos équipes de jeunes gagnent des titres (la France a été sacrée championne d’Europe des moins de 19 ans, ndlr). Il manque seulement un titre avec les A.
Il y a douze clubs en D1 féminine. Tous ne sont pas professionnels. Pourquoi ?
La Fédération a décidé de ne pas imposer aux clubs professionnels d’avoir une section féminine, ils l’ont fait d’eux-mêmes. Cette saison est une première. Nous lançons le championnat avec seulement quatre clubs amateurs et huit clubs professionnels. C’est positif. Nous estimons que le modèle pour le football féminin ne peut pas être uniquement professionnel. Nous avons besoin de cette mixité. Comme en Allemagne. C’est pour cette raison que nous aidons les clubs à se structurer, à dégager davantage de ressources, ou à améliorer leur gouvernance. Il n’y a pas qu’un seul modèle. Il faut le reconnaître: le sport féminin ne rapporte pas suffisamment d’argent pour permettre la professionnalisation de toutes les joueuses. Nous sommes dans une phase de transition d’ici à 2019 et la tenue de la Coupe du monde en France.
Cette structuration de l’élite féminine est-elle plus importante que le développement de la pratique amateur ?
On ne peut pas dissocier les deux. Il s’agit d’un cercle vertueux. Vous ne pouvez pas faire de l’élite sans faire de développement en parallèle. Imaginons qu’une joueuse de D1 arrête sa carrière. Si jamais vous n’avez pas défini une politique de développement, vous ne pérennisez pas la discipline et vous perdez tout le bénéfice de ce que vous avez accompli auparavant. J’ajoute que votre base ne progresse pas et le nombre de talents n’augmente pas également. En favorisant la pratique du football féminin dès le plus jeune âge, vous permettez l’apparition de davantage d’équipes. Les joueuses vont pouvoir jouer tous les week-ends, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Dans toutes les catégories d’âges, des filles ne jouent pas le samedi parce qu’il n’y a pas suffisamment d’équipes. Donc, il est impossible de prétendre faire du haut niveau, sans faire du développement en même temps.
Comment anticipez-vous l’avenir du football féminin ?
Nous avons franchi la barre des 105.000 licenciées. Nous sommes structurés avec des relais au niveau des ligues, des districts et des clubs. La mayonnaise a pris. Culturellement, une petite fille ne se pose plus la question de savoir si elle peut jouer au football ou pas. Elle joue, c’est tout. La machine est lancée. La France a l’obligation de devenir une nation de référence. Ce qui passe par l’amélioration de la préformation. La France a rattrapé son retard. Aujourd’hui, il faut passer à la vitesse supérieure.
Propos recueillis par Emmanuel Frattali